« Pauvre Mexique, si loin de Dieu, si près des Etats-Unis »
Citation historique mettant en relief un enjeu capital auquel sera encore confronté le prochain président.
Avril 2018
En juillet 2018, le Mexique a un rendez-vous électoral majeur ; en effet ce pays de 125 millions d’habitants choisira un nouveau Président pour 6 ans non reconductibles et renouvèlera le Congrès (500 députés et 128 sénateurs) lors d’un scrutin se déroulant sur un seul tour. Enrique Peña Nieto (EPN), élu en 2012 avec 38,2% des voix, a permis au PRI de reprendre le pouvoir après deux mandats successifs du PAN (Vicente Fox et Felipe Calderón) élus en 2000 et 2006. Ce début du 21ème siècle serait-il celui des alternances politiques ? Pour la période 2018-2024, les Etats Unis du Mexique (nom officiel) choisiront-ils un candidat d’un autre courant politique ?
Economiquement ouvert, le Mexique, « 15ème économie planétaire, membre du G20 … » et 2ème en Amérique latine, dévoile un dynamisme commercial (accords de libre-échange) et une attractivité économique appréciée des agences de notation; pour autant son modèle économique est fragilisé par l‘instabilité des cours mondiaux et le poids et l’influence de son voisin du Nord (destinataire de 81% du total de ses exportations) auxquels s’ajoutent les tensions suscitées par les postures de D. Trump et les questionnements sur l’avenir immédiat comme sur la refonte de l’Alena.
Par ailleurs, le pays souffre des carences de son système institutionnel et des inégalités marquées en 2017 par une pauvreté touchant 43% de la population affectée elle aussi par l’inflation (6,7%). S’inscrivant dans un mode de développement asymétrique (Nord et Sud) au sein duquel 57% des actifs sont dans le secteur informel, le Mexique est en même temps confronté à un haut degré de corruption et à une violence au quotidien que l’activité des cartels ne fait qu’aggraver. Dans ce contexte, quels atouts le Mexique peut-il faire valoir pour conforter son attractivité ? Quel est le niveau de risque pays ? Dans quels secteurs les entreprises investissent-elles ?
Une économie attractive, confrontée à de multiples défis
Avec une position géographique stratégique, les réformes macro-économiques et structurelles engagées (télécommunications, énergie …), les TLC (1994 Alena, 2000 l’UE, 2018 TTP..), les affiliations avec l’OCDE, l’Alliance du Pacifique … illustrent un modèle économique libéral, assumé par les gouvernements successifs dans l’actuelle mondialisation. Si en 2017 son PIB (2,3%) progresse -moins que certains PIB régionaux- le Mexique demeure, au niveau des IDE, le 2ème récepteur continental (+ 11% qu’en 2016) : Etats-Unis (46,8%), Canada (9,1%), Espagne (9%), Allemagne (8%) et Japon (5,5%). Les investissements européens, ne jouent qu’un rôle de second plan.
S’agit-il d’un pays émergent soutenu par les IDE, car assurant une certaine stabilité interne et garantissant son ouverture ? Vu que, les seuls effets de la corruption et de l’informalité sont très pénalisants pour l’économie du pays et comme le dit l’OCDE, « les gains moyens de productivité sont très limités », d’où une invitation à « à rendre la croissance plus inclusive ».
PIB 2015-2018 des économies latino-américaines (estimation en milliards de dollars USA)
Des secteurs économiques à fort potentiel
Malgré la chute de sa production pétrolière, cette ressource reste vitale pour l’économie mexicaine et son poids est conforté par la découverte de nouvelles réserves. Désormais 11ème producteur mondial, le pétrole fournit 88% de l’énergie primaire consommée localement, 1/3 des recettes publiques ; 50% du pétrole exporté s’acheminant vers les Etats-Unis.
A son tour le secteur minier (4% du PIB) attire et engage des IDE confortant ce « grand producteur mondial » (1er en argent …).
Le secteur industriel (1/3 du PIB), en légère contraction (2017), profite structurellement de la demande américaine et des industries de pointe se développent dans l’aérospatial (190 entreprises), les NTI, l’automobile (8ème producteur mondial)… impulsés aussi par la qualité et le faible coût de la main d’œuvre.
Au niveau du secteur agricole (3,5% du PIB), café, sucre, maïs, citron vert, orange et avocat sont aussi exportés y compris vers l’Europe. Il est aussi le 2ème exportateur au monde de bière (agro-industrie).
Enfin dans le tertiaire (60% du PIB) le secteur financier, « sain et porteur » et le tourisme qui bat des records de visiteurs (2017) ont encore un potentiel de croissance.
Elections de juillet 2018 ou l’annonce d’un « dégagisme » à la mexicaine ?
En 2012, Enrique Pena Nieto signe le « pacte du Mexique » avec le PAN et le PRD. Ce pacte de « 11 réformes structurelles » devait favoriser la concurrence et l’investissement pour « accroître le PIB, diminuer la pauvreté, combattre la corruption…». Les résultats économiques mitigés, l’ampleur de la corruption, l’escalade de la violence, les inégalités persistantes, puis la hausse des prix de l’essence provoquant l’indignation des mexicains … ont déçu la population. A cette situation, aggravée par des catastrophes naturelles récurrentes- s’ajoute la posture de D. Trump à l’égard de la renégociation en cours de l’ALÉNA ou du sort des 12 millions de migrants mexicains aux Etats-Unis dont la moitié est en situation irrégulière… Aujourd’hui, la déception de la population et l’impopularité d’EPN, ne jouent pas en faveur du candidat du PRI-PVEM-PANAL. Ce scénario serait-il source d’opportunités pour les autres candidats ?
A trois mois des élections présidentielles, sur les six candidats, trois (photos ci-dessus) ont les faveurs des analystes et des sondeurs. Pour faire face aux graves problèmes du pays, ils proposent des programmes aux objectifs proches. Aujourd’hui, Lopez Obrador reste le favori des sondages ; à 65 ans, l’ancien maire de Mexico (centre gauche), politologue et enseignant, présente « un Projet alternatif 2018-2024 » en 18 chapitres ; l’avocat R. Anaya de 38 ans (droite), 2ème dans les sondages, offre la « Coalition pour le Mexique » plateforme en 5 chapitres. Toutefois, la candidature de Mme Zavala, qui a quitté le PAN pour se présenter sans étiquette, pourrait lui enlever des voix. Enfin l’économiste de 48 ans J. Meade (centre) avec son « Programme de gouvernement 2018-2024 » reste 3ème dans les intentions de vote. Qui prendra la fonction présidentielle le 1er octobre prochain ? Certains analystes estiment qu’une partie des 88,7 millions d’électeurs appelés à voter pourraient soutenir le candidat qui a plus de chances de battre Lopez Obrador…
Zoom sur les relations du Mexique avec l’UE et la France
Avec l’UE, les relations bilatérales sont encourageantes. C’est dans ce cadre que se déroule l’actuelle renégociation commerciale de l’accord de 2000 ; ainsi la commissaire au commerce de l’UE, Mme Malmström souhaite le « moderniser et le conclure » avant la fin du 1er semestre 2018 même « s’il y a des points à régler comme celui concernant l’industrie automobile ». Sur ce plan, l’Europe devrait profiter des perspectives offrant ce nouvel accord, d’autant que les relations actuelles entre Mexico et Washington sont problématiques ou du moins refroidies.
Avec Paris, si l’affaire Cassez avait provoqué une crise diplomatique en 2011, les relations bilatérales se sont nettement ravivées depuis quelques années. Ainsi, la France s’est engagée fin 2017 à effectuer les « 108 projets de coopération » cosignés en 2014, touchant plusieurs domaines et de ce fait dynamiser « un partenariat qui marche sur les rails »; notons que depuis son installation à Mexico (2009), l’AFD a déjà cofinancé des projets pour un montant de 1,4 milliard d’€.
Pourtant la relation commerciale avec la France - malgré une augmentation du volume des échanges et les 550 entreprises déjà installées au Mexique dont la totalité du CAC 40 - n’est pas encore « florissante ou idoine ». Ainsi, si le Mexique est le 2ème partenaire commercial latino-américain, le volume des échanges ne représente que 0,6% du commerce extérieur français et les IDE français ne sont qu’au 11ème rang (6ème pays européen).
Enfin, ainsi que le souligne le Président du CCE - Conseil des entrepreneurs mexicains - si les élections présidentielles ou la renégociation de l’ALENA … créent des inquiétudes, le CCE « joue la carte du Mexique ». Remarquant qu’en 2017 les investissements réalisés par le CCE ont dépassé de 18% les prévisions, il invite les investisseurs internationaux à soutenir la confiance que leur inspire son pays : le CCE a d’ailleurs décidé d’augmenter ses investissements en 2018.
En attendant davantage des PME françaises au Mexique, certaines entreprises (du CAC 40) ont déjà répondu…par le récent déploiement de leurs investissements ou par le renforcement de leurs ressources humaines (SAFRAN, TOTAL, LACTALIS, VEOLIA …).
Un clin d’œil sur les relations bilatérales franco-mexicaines
Source : MAE - France - 2016