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Le Chili à la Une

Nouvelle alternance politique … un modèle économique ouvert et dynamique mais aussi fragile … un déficit social à combler

Au Chili, après 17 ans de dictature militaire, l’élection en 1990 de Patricio Alwin, entame la « transition démocratique du pays ». Près de trois décennies plus tard, sept gouvernements, issus tous du suffrage universel, ont renforcé ce processus dont les alternances politiques ont été salués par la communauté internationale. En mars 2018, Sebastián Piñera, candidat de la coalition de « droite » Chili Vamos, débute son 2ème mandat (4 ans) succédant à Michelle Bachelet, qui, portée par la coalition « de gauche », Nueva Mayoría, termine son 2ème mandat. Elu avec 54% des voix (2ème tour), Piñera a centré son programme sur « l‘amélioration de la situation économique et un avenir social de meilleure qualité » .


Avec 18,2 millions d’habitants, le Chili d’aujourd’hui est aussi apprécié par le dynamisme de son économie (5ème du continent) et l’amélioration du niveau de vie moyen de sa population. Pays émergent, assumant une politique macro-économique stable, il est un ardent adepte du modèle économique libéral et ouvert. Toutefois, si sa croissance annuelle moyenne était, de 4,5% de 2000 à 2013, elle a ralenti entre 2014 et 2017 se situant autour de 1,7% par an; en 2018, le Chili reprend des couleurs avec une croissance estimée à 3,6% retrouvant la confiance des instances internationales.


Engagé en faveur du multilatéralisme, du libre-échange, mais aussi de la régulation de la mondialisation, le Chili est membre de l’OCDE, cofondateur de l’Alliance du Pacifique et signataire des nombreux traités de libre-échange y compris en 2002 avec l’UE. Enfin, son principal investisseur demeure les Etats-Unis et la zone Asie-Pacifique son principal acheteur.


Dépendant des cours mondiaux de ses matières premières exportées (le cuivre représente 50% de la valeur des exportations), d’inégalités sociales encore marquées, d’une corruption émergente, d’un manque d’autonomie énergétique… - autant de défis à venir -, sa matrice de production gagnerait à être plus inclusive, productive et diversifiée.


S’agissant de consolider une attractivité économique reconnue et de conforter son développement, le Chili a des atouts à faire valoir en cohérence avec son stabilité institutionnelle, la richesse de ses ressources… voir la présence sur son sol de nombreuses entreprises internationales. Dans ce contexte quelle est la place de l’Europe…celle de la France ?


Situé à l’extrême sud du Continent, le Chili combine trois facteurs qui font de lui une « plateforme économique attractive » le premier fait référence à sa stabilité politique et au respect de l’Etat de droit ; le second relie l’exploitation de ses riches ressources naturelles, la sécurité juridique et le niveau de « risque pays »; enfin le troisième valorise son système macro-économique et le dynamisme d’une économie à forte croissance (15 ans), malgré le ralentissement de celle-ci ces dernières années.


En effet, depuis 2014, l’économie a connu des turbulences, révélant la vulnérabilité de son modèle exportateur, fortement impacté par les « chocs externes » et singulièrement par le ralentissement de la demande chinoise, son principal client, la dégradation des cours mondiaux du cuivre jusqu’au début 2017 et par un retournement des flux des IDE qui ont brutalement chuté (- 73%) entre 2014 et 2017.

Pour autant, ces « turbulences » n’ont pas modifié la politique économique des nouvelles autorités; en effet, la volonté d’attirer de nouveaux investissements étrangers et l’ouverture aux échanges internationaux sont confirmés… d’autant que les prix du cuivre reprennent des couleurs depuis un peu plus de un an.


Au Chili, le secteur minier (25% du PIB) demeure le principal pilier économique et la production du cuivre (1er exportateur au monde) est vitale. Dès lors, le regain de la demande (Asie, Europe, voiture électriques…) annonce «un bon cru pour le Chili en 2018 » dont la production représente 1/3 du cuivre produit au monde. Aussi, le lithium - dont les réserves sont immenses- serait pour partie transformé avant d’être exporté afin de « ne pas répéter le cas du cuivre ». Enfin le plomb, le zinc, le fer… sont autant de richesses d’un secteur attirant 30% des IDE.


Le secteur industriel (agroalimentaire, chimique et forestier) attire 4% des IDE. La production, en partie exportée « car le pays n’a pas hérité d’un important marché intérieur » évolue à l’image du Vin (40 millions de litres produits) dont 70% exportés et désormais 4ème exportateur au monde (6% du total). Quant à l’agriculture et à la pêche (littoral de 4 mille km), le volet exportation (fruits, légumes, saumon…), ne doit pas masquer la marge de progrès de leurs PME, produisant pour le marché local.


Enfin le secteur des Services est économiquement clé (67% des emplois); les banques (29% des IDE), le transport et les communications (5% des IDE) se fortifient tout comme le Tourisme qui enregistrait en 2017, 6,4 millions de visiteurs (record historique).



Le programme de gouvernement de Sebatián Piñera est structuré en quatre chapitres, engage 745 mesures pour un coût global de 14 milliards de dollars. Pour son financement, deux sources sont privilégiées : « la moitié proviendra des mesures d’austérité fiscale et d’une diminution de la dépense publique inefficace /…/ l’autre moitié viendrait d’une collecte fiscale additionnelle générée par : une meilleure croissance (3,5% en 2022), le contrôle de l’évasion fiscale, une meilleure efficacité des entreprises publiques… » ; enfin le déficit fiscal serait en équilibre « dans 6 ou 8 ans ».


A 68 ans, le président Piñera conduit, sans surprise, un programme économique résolument libéral. Parmi les orientations phares, figurent la réforme de la fiscalité et celle du système de retraite – augmentation de l’âge de départ-; sont également prioritaires les investissements dans les infrastructures - réseau routier, ports, aéroports, hôpitaux, digital…- et la réduction des dépenses du secteur public - moins de recrutements, de consultations, de voyages, d’heures supplémentaires …-. En outre pour encourager l’économie domestique, le programme cherche à stimuler la consommation des ménages (64% du PIB en 2017) en assurant par ailleurs une gestion publique stable et économe. Rappelons qu’en 2017, la dette publique représentait 25% du PIB, le déficit étant de -2.3% et l’inflation de 2,3%.


A part les impacts (infrastructures, sociaux…) des évènements sismiques récurrents, le Chili souffre de défis structurels affectant, par les inégalités sociales et de revenus, sa cohésion sociale et sa stabilité. Dans ce sens, le programme gouvernemental propose des mesures impliquant le social, l’éducation, l’université, la sécurité citoyenne, la « paix et développement en Araucanie »... dont les résultats sont attendus pendant la législature. Enfin, sur l’emploi sont annoncées la réduction du taux de chômage (7% de la PEA) et du taux d’informalité (30%) et sur l’énergie, le développement d’énergies renouvelables qui devrait (2020) couvrir 20% des besoins en énergie du pays.


Pour mettre en œuvre ce programme, l’Exécutif trouvera, un monde changeant - l’Europe confrontée au Brexit et à la montée des populismes dans certains Etats…- ou imprévisible - par les décisions de D. Trump, pouvant limiter le commerce international ou questionner le devenir des traités multilatéraux, ALENA, Climat …-; et au Chili, une opposition politique des partis de gauche qui ont formé une coalition parlementaire pour former une majorité et présider le Congrès.


Dans ce contexte, pour certains analystes on assistera à « une gouvernance de transition » sans bouleversements majeurs, non seulement parce que Piñera n'a pas la majorité parlementaire, mais aussi parce qu'il vient à un moment où le pays, connaissant le « dynamisme autant que les turbulences économiques » comprend mieux l’impact généré par l’instabilité des marchés, mais également par les changements générationnels, démographiques, sociaux … D’autres observateurs n’ont pas attendu pour critiquer les premières mesures sociales ; enfin d’aucuns soulignent la « chance de Piñera » de bénéficier de la reprise des cours du cuivre et du regain des IDE, qui au 1er trimestre 2018 ont déjà dépassé le total des IDE de 2017.


Zoom sur les relations du Chili avec l’UE et la France


Entre le Chili et l’UE, les relations politiques et économiques sont régies par un accord d’association signé en 2002 - qui a permis de doubler les échanges commerciaux -. Toutefois, les «directives pour sa modernisation» ont été rendues publiques par la Commission en janvier 2018, avec l’objectif de « renforcer la coopération existante en matière politique, de sécurité et de commerce ». Au sujet des échanges en 2016, si la valeur totale des biens exportés de l’UE vers le Chili était de 8,6 milliards d’€ (produits industriels, matériel de transport, produits chimiques), la valeur des biens exportés du Chili vers l’UE se montait à 7,4 milliards d’€ (produits agricoles, cuivre, vin…).


Entre Santiago et Paris les relations bilatérales sont «historiques et très bonnes». Les ¾ des entreprises du CAC 40 sont au Chili, certaines occupant une place de leaders - ENGIE est cotée dans la bourse de Santiago et SODEXO est l’un des cinq premiers employeurs privés avec ses 19 000 salariés - . Ainsi, en 2017, le Chili était pour la France, son 2ème marché d’exportation - après le Brésil - en Amérique du sud et son 3ème fournisseur européen - après l’Allemagne et l’Espagne -. De plus l’année 2017 fut « l’année de l’innovation franco-chilienne » facilitant le partage des thématiques telles que l’astronomie et l’espace, l’énergie, les villes intelligentes, l’agriculture intelligente, les TIC et la santé. Enfin, la coopération universitaire, culturelle et scientifique est dynamique et stimulée par des accords tels que celui de 2015 permettant la reconnaissance mutuelle des études et des diplômes pour la poursuite des études dans le pays partenaire.


En mai 2018, le MEDEF a visité le Chili avec une trentaine d’entreprises. Il en ressort pour l’institution patronale, que le Chili « est un terrain de jeu privilégié pour trois raisons ». Premièrement par les perspectives de croissance et la stabilité du pays; ensuite, par la portée du programme politique et de réformes fiscales de M. Piñera et par les relations avec le « CPS » - l’équivalent chilien du Medef - ; enfin, pour être une « plateforme au niveau de l’Amérique du Sud » à partir de laquelle, est possible de se développer dans la région (ENGIE a sa base à Santiago pour l’Amérique du sud). Le MEDEF soulignant aussi que pour le long terme le système démocratique, la lisibilité juridique sur le droit de propriété, le droit du commerce … offrent des perspectives « réelles et importantes ».


Quant aux secteurs porteurs ou nouveaux, le MEDEF cite l’énergie, les transports avec notamment l’aéroport de Santiago, l’énergie et le transport de l’énergie, les nouvelles technologies d’énergie marine, les technologies “smart city” avec la problématique de gestion des déchets, ou encore la Vinologie…



Annexe : Un clin d’œil sur certains indicateurs économiques du Chili


Source : FMI - World Economic Outlkook Database - Dernières Données Disponibles


Source – COFACE – France – 2018



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