top of page

Nouvelles & Publications 

La Colombie à la Une


Iván Duque entame sa présidence, confronté à la recherche d’une paix durable dans un contexte révélant de sérieux défis internes et des incertitudes externes.


A 42 ans, Iván Duque - juriste et sénateur de 2014 à 2018 - a été aisément élu Président de la République de Colombie. Fils d’un ancien ministre et gouverneur d’Antioquia et d’une politologue, le nouveau Chef d’Etat appartient à la droite colombienne conservatrice; lors de sa campagne électorale, il a notamment reçu le soutien de trois anciens présidents (dont Alvaro Uribe) et des principaux milieux d’affaires du pays. Arrivé en tête lors du 1er tour (39,1% des voix), le candidat du « Centro Democrático », a été élu le 17 juin 2018 par 54% des votants contre 41% obtenus par « Colombia Humana » de Gustavo Preto, qui pourtant fait parvenir la gauche au 2ème tour de ce processus électoral. Ainsi, depuis le 7 août 2018 et pour quatre ans, Iván Duque gouvernera un pays émergent de près de 50 millions d’habitants, 4ème économie latino-américaine mais dévoilant diverses facettes.


Pour certains analystes, les deux mandats du nobélisé Juan Manuel Santos (2010-2018) créent les bases politiques et socio-économiques d’un développement soutenable. Ainsi, l’impact attendu des accords de paix entre le gouvernement et les guérilleros du FARC - après l’échec du referendum d’octobre 2016, une nouvelle version (sans les voix des élus du Centro Democrático) fut ratifiée, en décembre 2016, par les deux chambres du Congrès - est essentiel. Non seulement pour tenter de mettre fin à « l’usine à victimes et au cycle de violences depuis plus de 50 ans », mais aussi pour entamer l’inclusion des territoires fragilisés affectant directement près de quatre millions de colombiens. Au niveau institutionnel, les observateurs soulignent la démocratisation du pays, le respect de l’Etat de droit, la consolidation des institutions … tandis qu’au niveau économique sont appréciées la gouvernance macro-économique et des finances publiques mais aussi l’adhésion du pays à l’OCDE.

Cependant, pour d’autres analystes, la Colombie souffre « de crises » demandant des politiques de longue haleine. En effet, elle demeure confrontée aux fléaux du narcotrafic, à une corruption endémique, aux inégalités sociales récurrentes, à une informalité touchant près de 60% de la PEA en particulier dans le secteur minier… ; en même temps, elle doit consolider sa démocratisation et son processus de paix d’autant que la violence des groupes armés, pour contrôler les anciens fiefs des FARC, complique le processus. «Le conflit terminé, nous avons devant nous l'énorme défi de construire la paix", a réitéré Santos à son successeur. Si aujourd'hui les FARC désarmés sont devenus un parti politique représenté dans le Parlement, le pays est encore déchiré par un conflit cumulant près de 8 millions de victimes (morts, disparus et déplacés) qui, au fil des décennies, a opposé guérillas, paramilitaires d'extrême droite et forces armées. Ce processus doit également inclure d’autres guérillas qui n’ont pas abandonné la lutte armée. Extérieurement, la Colombie doit aussi faire face aux effets de la crise du Venezuela voisin mais aussi à un contexte international perturbé par la « guerre commerciale » et la montée des populismes.

Malgré ces défis, la Colombie, riche et exportatrice de pétrole, minerais, pierres précieuses, café, fruits, fleurs … cherche institutionnellement à se réformer, reste un pays ouvert (ayant de nombreux TLC dont un avec l’UE), est cofondatrice de l’Alliance du Pacifique… attire des IDE, de plus en plus de touristes… Elle a donc des atouts qu’elle doit davantage faire valoir pour conforter son rang économique et son attractivité. Toutefois, quel est le niveau du risque pays ? Dans quels secteurs les entreprises investissent-elles ? Quelle est la place de la France et de l’UE ?.



Une économie attractive mais vulnérable


Pays bi-océanique, son modèle macroéconomique libéral et exportateur a connu tantôt un développement « extraordinaire » - en 2011 le PIB s’est même accru de 7,4% - mais demeure vulnérable à l’égard des variations des cours mondiaux dont celui du pétrole - quasi 50% de la valeur de ses exportations- dont la chute a entrainé celle du PIB en 2016-2017.


Toutefois, l’activité économique en 2018 retrouve des couleurs - sans retrouver le dynamisme d’avant 2015 - impactée par l’actuelle remontée du prix du pétrole; elle bénéficie aussi de la stabilisation de l’inflation - sous la limite de 2,4% de la « règle fiscale » -, d’une politique monétaire - taux directeur à 4,25% - stimulant la consommation interne et l’investissement et la fin du cycle politique liée aux dernière élections ; enfin la hausse de la dépense publique régionale - municipalités et gouvernorats – participe aussi dans l’accélération économique. Pourtant, en dépit du programme de routes - partenariat public- privé de « Cuarta Generación de Concesiones viales » (2012-2035) - et du programme public de soutien à l’investissement « Colombia Repunta : 2017-2018 », l’activité dans la construction peine à repartir.


En outre, la réforme fiscale de 2016 (TVA de 16 à 19%, simplification du système de taxes…) et l’amélioration des recettes pétrolières (0,6% du PIB en 2018) devraient conjointement contribuer à réduire le déficit et stopper l’alourdissement de la dette publique.


Du côté des comptes extérieurs, la progression des exportations autres que le pétrole, ainsi que la croissance du tourisme, devraient atténuer le déficit de la balance commerciale (2.8% du PIB en 2017) malgré la hausse des importations de biens d’équipement et de consommation. Aussi les flux de remises des colombiens expatriés (2,1% du PIB) devraient soutenir l’économie domestique et alléger le déficit. Quant aux investissements (26% du PIB), la part des IED (3,2% du PIB en 2017) est surtout concentrée dans les secteurs d’exportation. Enfin les réserves en devises -un an d’importations- ainsi que la dette extérieure -40% du PIB en 2017 dont 16% pour le secteur public - confortent l’actuelle situation du pays et l’indice du risque pays.




Assisterons-nous à une consolidation de l’accord de paix, au renouveau d’une société déchirée ?


Dans son programme 2018 - 2022 de 203 propositions, Iván Duque s’engage à « construire un pays (meilleur) que tous pourront partager » ; pourtant comme Sénateur, opposé au gouvernement Santos, il n’a pas voté l’accord de paix.


Au lendemain de sa prise de fonction « Le Monde » sous-titrait, « élu sur le programme de la droite dure, Iván Duque se pose à présent en chantre de la réconciliation de tous les Colombiens ». En effet, prônant une « modification des accords de paix » sur toutes les mesures pouvant « constituer un risque pour les institutions et l’Etat de Droit », Iván Duque, en outre, ne s’est pas clairement prononcé sur la poursuite (ou non) des négociations de paix avec les autres guérillas dont l’ELN. Autrement, dans la mesure où les réformes promises par l’accord de paix avec les FARC n’ont pas été mises en œuvre, certaines voix de gauche et du centre s’inquiètent du déroulement d’un processus complexe mais qu’il faudra rendre durable pour le bien être de l’ensemble des colombiens.


Quant au modèle économique libéral et ouvert, les propositions présidentielles s’intègrent dans la continuité de celui-ci, même si des « ajustements » envisagent la diversification des partenaires commerciaux - pour atténuer l’influence des Etats-Unis, son principal associé - ou encore la redynamisation du commerce domestique en réformant la TVA, augmentée par son prédécesseur. Enfin au niveau sociétal, la lutte contre la corruption, les narcotrafiquants, les inégalités de genre, les viols ou assassins de mineurs … sont aussi des engagements d’importance majeure.

Si le nouveau gouvernement, technocrate et jeune intègre des « uribistes » dans les principaux portefeuilles - Défense, Intérieur, Economie… -, des femmes dans la moitié des postes ministériels, la droite ultraconservatrice religieuse, qui avait aussi soutenu Duque, en est absente. Toutefois, le leader du « Centro Democrático », Alvaro Uribe, a été récemment (juillet) mis en examen pour obstruction à la justice, mettant en situation « délicate » le nouveau président qu’il a soutenu…


Zoom sur les relations de la Colombie avec l’UE.


Les relations entre l’UE et la Colombie, fondées sur le dialogue politique, la coopération commerciale, le développement durable, sont axées sur l’accord de paix et désormais, sa consolidation. Sur ce dernier thème, la Déléguée de l’UE en Colombie, Patricia Llombart affirmait en août 2018 « l’UE est très engagée dans ce processus dont les piliers ont été installés mais la suite engage un agenda de 15 ans ». Mesurant l’importance des enjeux à venir, la Déléguée assure le soutien européen en faveur de l’inclusion notamment des territoires et des populations touchés par la guerre, « en finançant le développement local associant le secteur privé pour la soutenabilité de ces projets ». Enfin appréciant l’importance pour la Colombie, du renforcement de la productivité, de la compétitivité, de la lutte contre l’informalité … elle souligne l’engagement déterminé du bloc européen… en attendant de continuer dans cette voie avec les nouveaux dirigeants de l’actuel gouvernement. Au niveau économique et commercial, l’UE est le 1er investisseur en Colombie - incluant les secteurs des finances, transports, communication, construction… - et le 2ème partenaire commercial - en 2017 l’UE a vendu des biens industriels à la Colombie pour 6 milliards d’euros tandis que la Colombie a exporté des produits agricoles et agro-industriels vers l’UE pour 5,6 milliards d’euros. Les effets de la «guerre commerciale » déclenchée par Trump en opposition avec le système multilatéral et les économies ouvertes - comprenant un TLC, la dispense de visas pour les touristes colombiens en Europe - pourraient, à terme, faire de l’UE le principal partenaire commercial de la Colombie.


Dans ce contexte, des opportunités nouvelles apparaissent incluant les domaines des énergies renouvelables, le tourisme, l’innovation, les NTI … qui pourraient aussi impliquer les PMI des deux côtés de l’Atlantique.


Zoom sur les relations de la Colombie avec la France


Les relations bilatérales, anciennes et importantes, couvrent quatre domaines.


Au niveau politique, les principes inhérents à la démocratie, l’Etat de Droit et la Paix, à la défense du système multilatéral, les causes de l’actuel « désordre commercial », la lutte contre le réchauffement de la planète… sont partagés. Les nombreux accords bilatéraux - convention fiscale, climat, observatoire international de sortie de la violence…- soulignent un rapprochement, consolidé par les nombreuses visites de haut niveau dont celle de Juan Manuel Santos à Emmanuel Macron dans le cadre de l’année France-Colombie en 2017. Dans le cadre du processus de paix, la France, soutient les organismes engagés dans la résolution du conflit - Centre national de la Mémoire historique, ministères colombiens de l’éducation et de l’agriculture, mission d’appui au processus de Paix, Haut-commissariat aux réfugiés …- et encourage la mise en œuvre de la loi sur les réparations dues aux victimes et la restitution des terres. Aussi un prix franco-allemand des droits de l’Homme « Antonio Nariño », créé en 2010, est remis chaque année à des militants et ONG œuvrant dans ce domaine.


Du côté économique - relations anciennes de plus d’un siècle - à nos jours, 230 entreprises françaises emploient environ 100 000 personnes faisant de la France le 1er employeur étranger en Colombie. Aussi, le comité stratégique franco-colombien, créé en janvier 2015 pour stimuler les investissements et les échanges, fédère les principaux acteurs économiques dont les entreprises françaises sur place, Véolia, Alstom, Sanofi, POMA, Airbus, Casino… En Amérique latine, la Colombie est le 5ème débouché de la France. Toutefois, les échanges commerciaux connaissent des évolutions contrastées. Ainsi les exportations françaises hors aéronautique sont en recul de 5,7% par la contraction des importations colombiennes en 2016 et 2017 (-17%) ; pour autant l’agro-alimentaire enregistre une progression (+20,3%), en particulier les produits laitiers (fromages).


Sur l’APD, la Colombie est le 5ème bénéficiaire de la coopération française (2016) mais le 1er dans la zone Amériques. L’AFD - installée à Bogota fin 2009 - dans le cadre d’un mandat pour « pays émergent », fournit des crédits pour la « croissance verte et solidaire » mettant en œuvre (2014-2018) une approche se déclinant en trois objectifs : favoriser la convergence et le développement durable des territoires ; promouvoir les politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ; enfin accompagner les politiques de cohésion sociale y compris de réduction des inégalités. Le total cumulé des prêts de l’AFD en faveur de la Colombie depuis 2009, atteint 2 milliards d’euros dont 811 millions dans des opérations liées au « post-conflit » afin de soutenir le processus de paix - gouvernance foncière et cadastre -.


Quant à la coopération culturelle, scientifique et technique, l’année France - Colombie a marqué un temps fort consolidant la recherche scientifique et la mobilité étudiante. La France est ainsi le 3ème pays de destination des étudiants colombiens après les Etats-Unis et l’Espagne avec près de 4 000 inscrits dans l’enseignement supérieur d’autant que depuis 2011, est en vigueur une convention de reconnaissance mutuelle des diplômes et des études.

Sur le plan culturel, l’Alliance Française dispose en Colombie d’un réseau de 12 établissements et la Colombie participe aux festivals cinématographiques de Biarritz, Nantes et Amiens. Enfin la coopération dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue se fait avec le concours du CIFAD, et le FFEM coopère dans l’écotourisme, l’artisanat et le crédit carbone.

Annexe : Infographie sur la Colombie …




bottom of page