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L’Amérique latine, terre d’inintégration ?

L’Amérique latine, terre d’inintégration ?

Pourquoi le régionalisme latino-américain ne fonctionne pas ?


Le continent latinoaméricain se caractérise par l’existence en son sein d’une multitude de régionalismes. Le régionalisme peut alors être défini comme « un processus politique d’institutionnalisation des relations entre nations géographiquement proches » (1). Autrement dit, c’est la phase politique de l’intégration régionale. En effet, de nombreux économistes insistent sur l’importance de la sémantique lorsqu’on travaille sur ce sujet et appellent les théoriciens à ne pas utiliser ces notions comme bon leur semble. Ainsi, selon la définition donnée par Catherine Fuigière et Laeticia Guilhot, la majorité des constructions régionales latinoamaéricaines ne peuvent être qualifiées d’intégration régionale. Selon ces auteurs, la simple volonté politique ne suffit pas à caractériser l’intégration régionale puisque cette dernière doit obligatoirement s’accompagner d’échanges commerciaux suffisamment puissants entre les pays membres. En d’autres termes, pour qu’un régionalisme soit considéré comme une intégration régionale, il faut que la croissance des flux économiques des Etats participant à cette construction politique soit plus que proportionnelle à la croissance des flux de ces mêmes pays vis-à-vis du reste du monde.


Or, comme nous le verrons par la suite, l’une des grandes insuffisances du régionalisme latinoaméricain, c’est justement cette incapacité à générer de puissants flux commerciaux intra bloc. Contrairement à la construction européenne qui a réussi à s’ériger en tant que véritable unité politique et économique supranationale, aucune intégration latinoaméricaine n’a réussi à obtenir de tels résultats. En effet, de nombreux obstacles persistent en dépit de la multiplication des tentatives d’unification. Dans cet article, il s’agira donc de se demander dans quelle mesure peut-on parler de l’échec de l’intégration régionale latinoaméricaine ?


L’échec de la première vague d’intégration latinoaméricaine : l’histoire d’une tentative prématurée


Né dans les années soixante, ce régionalisme a pour but de surmonter la situation de crise que connaît le continent en raison de l’échec du modèle de développement fondé sur la théorie de substitutions aux importations (ISI).


Selon ce schème de développement, un pays souhaitant se développer doit absolument se libérer de sa dépendance vis-à-vis du monde et de fait, produire ce qu’il importait autrefois. Appliqué à une Amérique Latine spécialisée dans les produits primaires, cette stratégie postule une remontée de filière permettant ainsi d’éviter une dégradation des termes de l’échange (2). Ainsi, pour favoriser leur production nationale, les Etats latinoaméricains vont mettre en place des barrières tarifaires élevées. De la même manière, ce protectionnisme se matérialise également par la mise en place de barrières non tarifaires tels que des contingents et quotas qui pénalisent les importations.


Cependant l’ISI ne peut se développer de manière autarcique. En effet, à cette date, les pays d’Amérique Latine ne disposent pas d’un marché intérieur au pouvoir d’achat suffisamment développé pour absorber l’ensemble de la production. De plus, en raison de taux de change surévalués, les Etats latinoaméricains peinent à exporter leur surplus commercial et ce d’autant plus que l’ISI ne permet pas aux industries récemment crées d’être directement compétitives. Enfin, les exportations sont également pénalisées en raison des mesures de représailles prises par les Etats en réaction aux mesures protectionnistes.


De fait, c’est l’échec du modèle de développement protectionniste qui donne lieu à la première vague de régionalisme. Ainsi, dans les années soixante, la Commission Economique pour l’Amérique Latine (CEPAL) présente le régionalisme comme un moyen d’adapter le modèle de substitution aux importations au niveau régional. Autrement dit, il s’agit de favoriser des importations élevées mais uniquement à l’échelle régionale, ce qui suppose la permanence de barrières tarifaires élevées vis-à-vis des Etats hors de la zone de libre-échange instituée. Dans cette perspective, l’élargissement des marchés doit permettre aux entreprises de réduire les effets négatifs de l’insuffisance des marchés intérieurs en diversifiant les possibilités de débouchés. En plus de permettre une meilleure allocation des ressources, l’ISI régionale envisage de réduire les déséquilibres entre les pays membres par des mécanismes de compensation : des traitements différentiels s’opèrent afin de tenir compte des niveaux de développement des pays. Ainsi, les droits de douanes ne sont pas abaissés uniformément mais par catégories de produits et de pays. De fait, les pays membres les moins développés bénéficient de traitements préférentiels leur permettant de conserver des droits de douane sur certaines catégories de produits essentiels au maintien de leur économie.


Si en théorie cette pratique semble intéressante, force est de constater l’échec de sa mise en place. En effet, si ces mesures devaient uniquement s’appliquer aux pays les moins développés de la zone d’intégration, en réalité, l’ensemble des pays s’arrange pour bénéficier de traitements préférentiels leur permettant de conserver des droits de douane sur certaines catégories de produits essentiels au maintien de leur économie. De plus, ce protectionnisme s’applique également aux industries naissantes des pays développés qui établissent des contingents, des quotas, des droits de douanes élevés afin de protéger leur nouvelle industrie le temps qu’elle réalise des économies d’échelle et puisse être concurrentielle sur la scène internationale.


Ainsi, il semblerait que l’excès de protectionnisme régional puisse être tenu responsable de l’échec de la première vague d’intégration. Cette exacerbation du protectionnisme s’explique notamment par l’excès de nationalisme des Etats latinoaméricains. Autrement dit, l’égoïsme national des gouvernements ne leur permet pas d’envisager le régionalisme comme une fin en soi. Dans cette perspective, le régionalisme est appréhendé comme un simple instrument pour redynamiser l’ISI au niveau national. Pour illustrer cela on peut donner l’exemple de l’Argentine qui préfère développer sa propre industrie d’acier peu compétitive plutôt que d’en importer d’Uruguay alors que ces deux pays sont membres de l’Association Latinoaméricaine de Libre Commerce (ALALC) (3).


Ici, ce qui fait défaut, c’est l’absence d’autorité supranationale qui viendrait abaisser de manière automatique les droits de douane. Par conséquent, le Marché Commun Centraméricain (MCCA) (4) et le Pacte Andin (5) affichent des résultats largement en deçà des espoirs suscités. En ce qui concerne l’ALALC seul 10% des biens ont fait l’objet de négociation pour la suppression des droits de douane, la part des exportations intra zone dans le total des exportations des pays de l’ALALC est passé de 6,7% en 1961, à 10,1% en 1970 et 14% en 1980. Concernant les importations intra zone les pourcentages correspondants ont été de 7,3% en 1961, de 11,2% en 1970 (6).


Ainsi, refusant de transférer une part de leur souveraineté à une autorité supranationale, les Etats latinoaméricains restent prisonnier d’un nationalisme réfractaire à la constitution de chaînes de valeurs régionales. De la même manière, la concurrence que se livrent les Etats latinoaméricains ne permet l’avènement de coopérations capables de surmonter les désavantages dont ils souffrent. Ainsi pour faire face à la non complémentarité de leurs économies largement spécialisées dans l’exportation de matières premières, les Etats latinoaméricains auraient pu s’inspirer de la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier (CECA). En effet, par la mutualisation de leurs ressources, les pays auraient gagné en pouvoir de négociation notamment pour agir sur les prix.


Or si contrairement à l’expérience européenne la construction régionale n’a pas pris en Amérique latine c’est parce qu’il n’existait pas de terreau suffisamment fertile à son implémentation. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les Etats latinoaméricains ne souffrent pas de divisions telles que l’intégration régionale apparaisse comme une condition essentielle au maintien de la paix. En d’autres termes, les enjeux liés à l’intégration ne sont pas assez forts pour provoquer de réelles politiques intégrationnistes. De plus, en raison de l’importance stratégique secondaire du continent latinoaméricain en début de guerre froide, les Etats Unis n’appuyèrent pas leurs processus d’intégration. Ainsi, les Etats latinoaméricains ne bénéficient pas d’expérience de coopération telle que celle permise par le plan Marshall. Aussi, cette absence d’unité est renforcée par l’arrivée au pouvoir de dictature fortement nationalistes.


Toutefois, c’est la crise économique des années 70 qui met un frein définitif à cette première vague de régionalisme. Les pays occidentaux n’ayant plus les moyens d’investir en Amérique Latine, ils vont également réduire leurs importations. Aussi, pour lutter contre l’inflation, les pays créanciers augmentent leurs taux directeurs rendant ainsi les crédits des pays latinoaméricains plus chers et plus difficile à rembourser. Face à cette situation, l’Amérique Latine n’a d’autre choix que d’abandonner l’ISI pour se convertir à l’économie libérale. Ainsi, en échange d’une réduction de leurs dettes, des réformes libérales sont mises en place : privatisations, dévaluation monétaire, baisse des dépenses publiques, protectionnismes levés. C’est ce qu’on appelle : la mise en œuvre du consensus de Washington.


La seconde vague de régionalisme : l’échec de la libéralisation à outrance


C’est dans ce contexte qu’émerge la deuxième vague de régionalisme. On passe d’une stratégie de développement orientée vers l’intérieur à une stratégie tournée vers l’extérieur. Autrement dit, l’intégration n’est plus incompatible avec la globalisation : on parle alors de régionalisme ouvert. Ce changement s’illustre par le Pacte Andin qui devient la Communauté Andine (CAN) en 1997. Le groupe tourne le dos à l’ISI et se convertit au néolibéralisme. A ce sujet, le retrait du Chili du Pacte Andin en 1976 amorçait la transformation. Sous l’influence des Chicago Boys (7), le gouvernement de Pinochet entamait des réformes libérales dès les 1973. Toutefois il convient de souligner que pour la majorité des autres pays, ces réformes économiques accompagnent la transition démocratique.


L’accord qui illustre le mieux cette période c’est l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Cette zone de libre-échange instituée en 1994 entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique a permis au commerce intrarégional de tripler passant de 290 milliards de dollars en 1993 à plus de 1.1 trillion en 2016. Cette réussite s’explique essentiellement par la « complémentarité des échanges ». Ainsi, bien que l’ALENA n’intègre en son sein qu’un pays latinoaméricain, son expérience se révèle tout de même intéressante car elle permet de souligner l’intérêt de constituer des alliances entre des pays aux niveaux de développement différents. En effet, disposant d’avantages comparatifs distincts, les échanges interbranches s’en trouvent favoriser : dans le cas de l’ALENA, les Etats-Unis (et encore plus avant qu’ils ne commencent à exploiter leurs réserves de gaz de schistes) profitent des importantes ressources énergétiques du Mexique et du Canada tandis que ces derniers exportent des produits nécessitant une industrie chimique et/ ou mécanique avancée.


Toutefois il convient de souligner que la libéralisation des biens, des services et des capitaux a également permis au Mexique de se spécialiser dans des activités à plus forte valeur ajoutée et ce notamment grâce aux Firmes Multinationales (FMN) étrangères du secteur automobile. Dans ce cas, les Investissements Directs à l’Etranger (IDE) ont permis une transmission des connaissances remettant ainsi en cause la théorie selon laquelle les dotations factorielles seraient figées. Il devient donc plus intéressant pour les producteurs américains de fabriquer leurs pièces détachées au Mexique ou le coût de la main d’œuvre est moins chère.


En ce sens, le régionalisme latinoaméricain peut s’inspirer de l’ALENA d’autant plus qu’unis, les Etats ont davantage de pouvoir de négociation pour encadrer les IDE de tel sorte à ce qu’ils bénéficient à la population locale. Le régionalisme doit donc non seulement revêtir une phase intérieure mais également extérieur, en direction de pays plus développés.


Aussi, le régionalisme ouvert se caractérise par la conclusion d’accords bilatéraux au détriment des structures d’intégrations. Ainsi, durant les années 1990 seulement deux projets voient le jour : L’ALENA et le Marché Commun Sud-Américain (Mercosur) (8) tandis que la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) (9) est finalement abandonnée en 1998. A ce propos, il convient de souligner que l’échec de la ZLEA est concomitant au « virage à gauche du Mercosur ». En effet, alors que le Mercosur était initialement une structure ayant pour objectif « la libre circulation des biens, des services, des facteurs de production, la création d’un tarif extérieur commun, le rapprochement des politiques économiques et l’harmonisation des législations entre les membres », il ne cesse de se politiser. Cela a pour conséquence son inachèvement : retard dans la suppression des tarifs douaniers, augmentation des barrières aux échanges, il est désormais qualifié « d’union douanière imparfaite ».


Cela s’explique notamment par « le tournant à gauche de l’Amérique Latine » et l’arrivée au pouvoir des gouvernements progressifs nationalistes. A ce titre on peut citer Lula au Brésil (2003), Kirchner en Argentine (2003), Chavez au Venezuela (1999), Morales en Bolivie (2005), Correa en Equateur (2007).


En effet, bien que le modèle néolibéral ait dans un premier temps permis une maîtrise de l’inflation ainsi qu’une baisse du prix des biens importés et un boom de la consommation, le secteur productif autrefois constitué par l’ISI, se retrouve totalement miné par la concurrence internationale. La majorité des pays latinoaméricains retournent alors vers leur ancienne spécialisation primaire. Toutefois, un pays ne peut se développer sans base productive solide. De cette manière, on peut considérer que l’une des principales erreurs des Etats latinoaméricains dans la mise en place de ce régionalisme est de ne pas avoir su s’endetter intelligemment en investissant dans l’achat de machines qu’ils auraient ensuite pu rembourser par l’exportation de produits à plus forte valeur ajoutée. Autre erreur : les Etats ont désinvesti leurs missions fondamentales : santé et éducation. Par conséquent, le bilan social et économique de ces deux décennies est une catastrophe. Le coefficient de Gini a augmenté et si en 1980 les revenus des 10% les plus riches de la population étaient 24 dois supérieurs à ceux des 10% les plus pauvres, en 2005 ils étaient 31 fois plus important. Aussi, en dépit des avantages accordés par l’Etat, la corruption n’a pas permis aux privatisations de se traduire par une baisse des prix. C’est donc dans ce contexte de contestation du néolibéralisme qu’émerge la troisième vague de régionalisme.


La troisième vague de régionalisme ; entre espoir et déception


L’arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche favorise l’impulsion de nouveaux projets régionaux : l’Alliance Bolivarienne pour Les Amériques (ALBA) (10), l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) et la Communauté des Etats Latino-Américains et caraïbes. (CELAC). L’ensemble de ces initiatives ont pour point commun la supériorité du dialogue politique sur les considérations économiques et commerciales. Ainsi certains auteurs qualifient ces accords régionaux de régionalisme post libéral.


L’ALBA est un projet conçu par l’ancien président du Venezuela, Hugo Chavez. Cette initiative a pour but de reconstruire des relations qui ne soient pas exclusivement basées sur le commerce. L’accent est mis sur des thèmes autrefois étrangers aux anciens processus d’intégration. On parle alors de justice sociale et de solidarité des peuples. Autrement dit, l’ALBA prend en compte les niveaux de développement différents des pays membres. Ainsi, le Venezuela finance un fond d’investissement aux objectifs sociaux afin de venir en aide aux pays les moins développés de l’Alliance. De la même manière, par le biais de crédits souples à l’importation et des prix bien inférieurs à ceux du marché, le Venezuela mène une véritable politique d’assistance énergétique. Autre exemple de cette solidarité : lorsque le Pérou et la Colombie, principaux importateurs du soja bolivien, décident de signer des accords commerciaux sur l’ouverture des marchés agricoles avec les Etats-Unis et l’Union européenne, Cuba et le Venezuela, s’engagent auprès de la Bolivie à lui acheter les mêmes quantités qu’elle exportait autrefois. Cette décision permet de compenser les pertes de la Bolivie. En effet, ces traités de libre-échange ne permettent pas au soja bolivien d’être compétitifs face au soja fortement subventionné. Aussi, l’Alliance Bolivarienne se base sur la complémentarité. L’exemple le plus connu est l’envoi de médecins et d’enseignants cubains pour participer aux diverses campagnes de réduction de la pauvreté, de vaccination engagée par Chavez. En échange de cela, Cuba profite du pétrole vénézuélien.


L’étude de l’ALBA est particulièrement intéressante car c’est la première fois qu’un pays, le Venezuela, se positionne comme un véritable leader prêt à supporter les coûts de l’intégration. Toutefois, l’ALBA souffre d’un réel déficit commercial et ne permet pas d’attirer beaucoup de pays sudaméricains. C’est dans ces conditions, qu’en 2008, Chavez et Lula décident de créer l’UNASUR, premier projet a agglomérer des thèmes sociaux (développement social, rural, éducation, culture) mais également économiques via la création d’une zone de libre commerce. Ainsi, les fondements de l’UNASUR reposent sur les idéaux bolivariens de l’unité sudaméricaine. Dans le cadre de l’UNASUR, cette unité passe par la mise en place d’une union supranationale, largement inspirée de l’Union européenne. Autrement dit, la structure politique de l’UNASUR a pour vocation de se substituer aux organes politiques du Mercosur et de la CAN, favorisant ainsi leur convergence. Cette supériorité du dialogue politique sur les considérations économiques et commerciales se manifeste également par la création du Conseil de Défense Sudaméricain (CDS). Cet organisme a pour but d’établir une politique de défense sudaméricaine autonome capable de régler des différends régionaux sans l’intervention de l’ONU ou de l’Organisation des Etats Américains (OEA). Ainsi, durant la crise bolivienne, l’unité des pays sudaméricains autrefois marginalisés leur a permis d’adopter une position commune face à l’interventionnisme étasunien. Aussi, pour favoriser les relations commerciales du sous-continent, un intérêt particulier est porté à la construction d’infrastructures. En effet, par le biais du COSIPLAN, l’UNASUR met en œuvre des initiatives permettant de répondre au défi du manque de connectivité du territoire.


Toutefois l’UNASUR n’est effective qu’à l’échelle de l’Amérique Sud et de fait n’inclut ni le Mexique ni les pays d’Amérique centrale. Pour remédier à cela, la Communauté d’Etats Latino-américains et Caraïbes (CELAC) est créée en 2010. Cette organisation se présente comme un véritable contrepoids à l’OEA. Certains la définissent comme une OEA -2 +1 en ce qu’elle intègre Cuba tout en excluant les Etats-Unis et le Canada permettant ainsi à l’Amérique Latine de s’exprimer d’une seule voix sur la scène internationale.


Cependant, les événements actuels et notamment la crise vénézuélienne paralyse la grande majorité des institutions régionales. Ainsi, si à l’origine l’UNASUR comptait douze Etats membres, suite aux retraits de l’Argentine, du Brésil, de la Colombie, du Chili du Pérou et du Paraguay en 2012, elle n’en compte plus que cinq. Cet échec met en lumière l’excès de politisation des intégrations régionales qui de fait, deviennent totalement dépendantes des affinités politiques. Ainsi, il semblerait que la troisième vague de régionalisme ne soit rien de plus qu’un ensemble de déclarations d’intentions ne se traduisant pas par des réalisations concrètes. A certains égards, ces constructions apparaissent comme de simples outils pour rassurer les investisseurs étrangers et empêcher une fuite des capitaux. En d’autres termes, ces constructions ne débouchent pas sur de la coopération régionale. Les pays continuent de négocier des accords bilatéraux et de se livrer une concurrence accrue. Or la réussite d’une construction régionale doit être envisagée sur le long terme ce qui suppose l’existence d’intérêts économiques permanents. Autrement dit, l’intégration doit se construire par l’économie pour ensuite déboucher sur une construction politique. Ce n’est que de cette manière que les égoïsmes nationaux pourront être surmontés.


Dans ce contexte, il est intéressant de s’intéresser plus particulièrement à l’Alliance du Pacifique. Son apparition apparaît comme un moyen de dynamiser l’intégration latinoaméricaine. Pour cela il convient de tenir compte des réussites mais aussi des échecs des anciennes tentatives. Tout n’est pas à jeter et il est indispensable de tenir compte des erreurs du passé.

 

(1) Catherine Figuière, Laëtitia Guilhot. L’intégration économique régionale : parangon de la complémentarité entre l’économie internationale et l’EPI. Colloque international ”Économie politique internationale et nouvelles régulations de la mondialisation”, Centre de Recherche sur l’Intégration Économique et Financière, Université de Poitiers, May 2009, Poitiers, France. ffhalshs-00394576f


(2) Soutenue par l’ancien secrétaire général de la CEPAL, Raoul Presbisch, la thèse de la dégradation des termes de l’échange postule une baisse inéluctable du prix des produits primaires face aux produits à haute valeur ajoutée. Ainsi, les Etats exportant des produits primaires souffrent d’une réduction de leur pouvoir d’achat national : pour une même quantité de matières première produite et vendue, ils ne peuvent acheter qu’une quantité de plus en plus réduite de produits manufacturés.


(3) Les premiers pays signataires de l’ALALC ont été l’Argentine, le Brésil, le Chili, le Mexique, le Paraguay, le Pérou et l’Uruguay. A ces pays pionniers se sont ajoutés la Colombie et l’Equateur à la fin de la même année, tandis que le Venezuela et la Bolivie ont adhéré respectivement en 1966 et 1967


(4) Crée en 1960 par le Traité de Managua, le Marché Commun, Centraméricain réunit 5 pays dont le Costa Rica, le Panama, le Salvador, le Honduras et le Nicaragua.


(5) Le Pacte Andin est mis en place en 1969. A l’origine, il regroupe 5 pays : la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Equateur et le Pérou. Le Venezuela y est ensuite intégré en 1973 tandis que le Chili s’en retire en 1976.


(6) « De l’intégration cépalienne à l’intégration néolibérale en Amérique latine : de l’ALALC à l’ALENA », Mondes en développement, 2001/1 n°113-114, p 15-26


(7) Les Chicago Boys sont un groupe d’économiste chiliens formés à l’Université de Chicago par Milton Friedman. Ils travaillèrent pour la dictature militaire chilienne dirigée par le général Augusto Pinochet, et jouèrent un rôle majeur dans ce qui est parfois appelé le « miracle chilien » selon une formule de Milton Friedman.


(8) Créé en 1991 par le Traité d’Asuncion le Mercosur regroupe : le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela (depuis 2006 il sera ensuite suspendu en 2016)


(9) La zone de libre-échange des Amériques est un projet d’origine étasunien ayant pour but l’établissement d'une communauté économique qui aurait pu succéder à l'ALENA. Ce projet prévoyait la suppression des droits de douanes sur plusieurs types de produits, notamment des produits manufacturés et agroalimentaires. Il aurait englobé 34 pays, soit toute l'Amérique excepté Cuba, la France (DROM), le Royaume-Uni et les Pays-Bas.


(10) Créé en 2004 par Cuba et le Venezuela, ces derniers sont successivement rejoints par la Bolivie, le Nicaragua, le Honduras (retrait suite au coup d’Etat), la Dominique, Antigua et Barbuda, l’Equateur, Saint Vincent et les Grenadines, Sainte Lucie, Saint Christophe et Niévès, Grenade.

 

Fanny Raymond

Etudiante en Master 1 à Sciences Po Toulouse

Stagiaire à la Chambre de Commerce Latinoaméricaine.


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