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Le TTP : quels effets pour l’Alliance du Pacifique ?


Ratifiée en 2012 par le Mexique, la Colombie, le Pérou et le Chili, L’Alliance du Pacifique se présente comme l’ultime bastion du régionalisme ouvert. Cette construction régionale permet de redynamiser l’intégration latinoaméricaine en la recentrant sur la réalisation d’objectifs exclusivement économiques. Ainsi, ce modèle s’oppose au régionalisme post libéral du Mercosur, de l’ALBA et de l’Unasur, qui en dépit des déclarations grandiloquentes, ne fonctionne pas. De fait, contrairement à ces divers processus d’intégration, l’Alliance du pacifique dispose d’une structure institutionnelle minimaliste qui lui permet d’avancer rapidement sur ses objectifs : la mise en place d’une zone d’intégration profonde ayant pour mission l’établissement d’une libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.


Dans ce contexte, le développement laisse place à la compétitivité. Cela s’explique notamment par l’orientation économique des signataires qui, en dépit des alternances politiques, n’ont jamais remis en cause le libre-échange. Par conséquent, les pays de l’Alliance du Pacifique affichent les meilleures performances du continent en termes de compétitivité et disposent des taux de droit douane moyens les plus faibles (Voir graphique 1). De plus, ces pays possèdent de nombreux accords bilatéraux de libre-échange avec des grands ensembles commerciaux comme l’Union européenne et les Etats-Unis.


L’Alliance du Pacifique apparaît donc comme une plateforme commerciale tournée vers le monde et plus particulièrement vers l’Asie du Pacifique. Ainsi, il s’agira de se demander dans quelle mesure la signature de l’Accord de Partenariat Transpacifique Global et Progressiste peut bénéficier aux économies de l’Alliance du Pacifique.


Graphique 1 : Évolution des taux de douane moyens des pays de l'Alliance du Pacifique.

De nombreux analystes considèrent le TTP comme le plus grand accord commercial du 21 siècle. Réunissant 11 pays (1) répartis sur diverses régions du globe, le TTP représente 15% du PIB mondial et jouit d’un marché de plus de 500 millions de consommateurs. Toutefois bien que les gouvernements mexicains chiliens et péruviens justifient leur adhésion par le potentiel d’expansion de leurs marchés respectifs, le TTP présente à la fois des opportunités mais aussi des risques.


Comme nous l’avons dit précédemment, l’avantage principal du TPP réside dans le fait qu’il permette aux pays de l’Alliance Pacifique d’accéder à un vaste marché et de fait, de trouver plus facilement des débouchés pour leur production. Or comme on peut le voir sur le tableau 1, ces bénéfices diffèrent selon les Etats membres. Ainsi, le pays qui tire le plus profit du TPP aurait été la Colombie car cette dernière ne dispose que d’un traité de libre-échange avec le Canada. De plus, c’est le pays de l’Alliance du Pacifique qui applique les plus hauts taux moyens de droit de douane (4.39%). A l’inverse, avec des taux moyens de droit de douane de 1% et des traités de libre échange avec l’ensemble des pays membres du TPP, le Chili est le pays qui, à première vue, bénéficie le moins de l’accord.


Tableau 1 : Traités commerciaux en vigueur avant le TTP


Cependant, il convient de souligner que l’accord transpacifique va au-delà des accords bilatéraux alors négociés par le Chili. En effet, en plus d’une levée des barrières tarifaires et non tarifaires, le traité statue également sur la détermination de normes communes pour le commerce électronique et les services financiers ainsi que sur l’ouverture des appels d’offres nationaux aux entreprises étrangères sans avantages pour les entreprises publiques. Ainsi, sur de nombreux domaines, le TPP s’avère bien plus avantageux que l’accord bilatéral Chili Japon. Cela est notamment le cas concernant les services qui autrefois n’étaient pas couverts. De la même manière, le TPP met fin aux exclusions que le Japon conservait dans le secteur de l’agroalimentaire. Ainsi, les secteurs qui tirent le plus profit de cet accord sont le secteur agroindustriel (notamment avec la vente de poisson), le secteur forestier et le secteur minier pour la vente de cuivre.


Toutefois quand on regarde la structure du commerce du Chili avec les autres pays membres, on constate un important risque de re-primarisation de son économie. Cette affirmation est également vraie pour le Pérou qui exporte essentiellement des minerais de cuivre, de zinc et de plomb vers les Etats partis au traité.


Malgré ce risque, les opportunités de croissance offertes par le TPP ne sont pas négligeables pour le Pérou. Ainsi, selon la Chambre de commerce de Lima, le TPP permettrait au Pérou d’augmenter ses exportations agroalimentaires de 99 millions de dollars. De plus, 36% des exportations non traditionnelles péruviennes (et donc plus fortes en valeur ajoutée) sont dirigées vers les pays du TPP ce qui offre la possibilité au Pérou de diversifier le contenu ses exportations.


Toutefois, il semblerait que ce soit le Mexique qui bénéficie le plus de cet accord. Cela lui permettrait de diversifier ses exportations et de réduire sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis qui représentent près de 80% de ses exportations. Cette stratégie est d’autant plus intéressante que l’Asie se présente comme la région la plus dynamique au monde. L’Asie étant la part faible du Mexique, ce rééquilibrage rendrait davantage soutenable la politique économique du pays. En effet, il faut se méfier de la « mono destination des exportations ». Les risques liés à ce phénomène sont d’autant plus élevés compte tenu du contexte commercial actuel et du regain de protectionnisme étasunien. De fait, le TPP doit être envisagé comme un moyen de pallier aux défaillances du nouvel ALENA (AEUMC). Ainsi, les dispositions du TPP en matière de règles d’origines pour les pièces automobiles et automobiles (qui représentent les principaux produits exportés par le Mexique) sont beaucoup plus favorables au Mexique dans le cadre TPP que dans l’AEUMC : si pour être exemptées de tarifs douaniers les automobiles doivent avoir 75% de contenu nord-américain, dans le TPP ce pourcentage est abaissé à 45%. Ainsi les secteurs gagnants de l’accord sont des secteurs à haute valeur ajoutée tels que la chimie, l’aérospatiale et l’automobile.


De plus, le Mexique semble être le pays le moins affecté par le retrait de Donald Trump. En effet, le Mexique avait adhéré à l’accord essentiellement dans une position défensive pour éviter de perdre des parts de marché alors qu’à l’inverse, la majorité des membres du TPP y ont adhéré après l’entrée des Etats-Unis, dans le but de conquérir son marché intérieur (Voir tableau 3). Ainsi, le Mexique ne souffrira pas de la concurrence de la Nouvelle Zélande quant à son industrie laitière et sucrière puisqu’il conservera un statut privilégie grâce à l’ALENA.


Tableau 2 : Anne de adhésion au TPP des payes membres


Si le retrait des Etats-Unis est, dans une certaine mesure bénéfique au Mexique, il comporte également des avantages pour les secteurs pharmaceutiques des divers pays membres puisque la directive sur l’extension des droits de propriété intellectuelle ne sera pas mise en place.


Toutefois ce traité ne va pas sans risques. De nombreuses voix vont alors s’élever pour dénoncer l’érosion de la souveraineté qu’il provoque. A ce sujet, l’un des points les plus controversés du TPP concerne la mise en place d’un mécanisme d'arbitrage permettant aux multinationales d'attaquer en justice les Etats si elles jugent leurs intérêts menacés par des mesures de politique publique. Cette disposition suscite beaucoup de critique quant à la capacité des pays membres d’édicter des lois de règlementations pour protéger la santé publique, la sécurité et l'environnement.


De plus, les pays de l’Alliance du Pacifique devront faire face à une potentielle perte de compétitivité. En effet, des pays comme le Vietnam ou encore la Malaisie disposent de coûts de production beaucoup plus faibles. Les investisseurs étrangers pourront alors être tenter de délocaliser.


Pour faire face à l’ensemble de ces défis et éviter un scénario négatif, les pays de l’Alliance du Pacifique devront être soudés. Pour ce faire, l’Alliance du Pacifique doit permettre à ses membres de se structurer afin d’obtenir des accords préférentiels sur certains produits le temps d’obtenir des avantages qualitatifs détachés d’une simple compétitivité coût. Ainsi, il semblerait que la solution à ce challenge se trouve dans l’intégration. A ce sujet, l’Alliance du Pacifique dispose d’opportunités intéressantes notamment en ce qui concerne les PME et mécanismes de coopération qui pourraient favoriser l’avènement de chaînes régionales compétitives.


Ce nouvel espoir nous invite donc à être optimiste quant au futur de l’intégration régionale latinoaméricaine.

 

(1) L’Australie, le Brunei, le Canada, le Japon, le Chili, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam

 

Fanny Raymond

Etudiante en Master 1 à Sciences Po Toulouse

Stagiaire à la Chambre de Commerce Latinoaméricaine.


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