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L’Alliance du Pacifique, entre forces et faiblesses



En 2011, la création de l’Alliance du Pacifique lançait un vent d’air frais sur le régionalisme latinoaméricain. Inaugurée à Paris, cette intégration régionale qualifiée « d’ultra libérale » attirait l’intérêt de nombreux investisseurs étrangers. Toutefois, bien que l’Alliance du Pacifique puisse apparaître comme un nouveau souffle pour l’intégration, cette vision doit être relativisée. En effet, dans ces débuts, l’Alliance du Pacifique subit l’opposition des grands leaders de l’intégration sud-américaine qui, craignant voir leur leadership régional remis en cause par le Mexique, n’auront de cesse de la critiquer. L’Alliance du Pacifique est alors accusée de n’être qu’un projet marketing publicitaire dépourvu de réelles initiatives en matière d’intégration. Pour justifier cette position, ses détracteurs pointent notamment du doigt son incapacité à faire augmenter le commerce entre ses Etats membres ainsi que l’absence d’un réel projet politique qui serait porté des institutions communautaires.


Toutefois, en dépit de ses faiblesses et des menaces qui pèsent sur elle, l’Alliance du Pacifique présente de nombreuses forces et opportunités stratégiques pouvant permettre aux Etats membres de réaliser une croissance économique soutenable. Ainsi, afin de saisir l’ensemble des enjeux liés à cette perspective, nous réaliserons une analyse SWOT. Il s’agira alors d’identifier les facteurs internes (forces et faiblesses de l’Alliance du Pacifique) et externes (menaces et opportunités de l’Alliance du Pacifique), favorables ou non, à la réalisation de cet objectif afin de définir la stratégie la plus adéquate possible. (Voir schéma récapitulatif)


Commençons par les points forts de l’Alliance du Pacifique. Tout d’abord, l’ensemble de ses membres disposent des indicateurs économiques les plus performants de l’Amérique Latine. Ainsi, ils affichent les meilleurs scores en termes de compétitivité et selon le classement du Doing Business se sont les pays les plus sûres pour réaliser des affaires et des investissements. De fait, l’Alliance du Pacifique attire 41% des IDE totaux de l’Amérique Latine. De la même manière, les balances commerciales excédentaires du Chili et du Pérou ainsi que celles faiblement déficitaires du Mexique et de la Colombie, participent aux bonnes prévisions de croissance.


De plus, les pays de l’Alliance du Pacifique jouissent d’un avantage considérable en raison de leur situation géographique stratégique qui leur offre une ouverture sur l’Asie du Pacifique, zone dont les promesses de croissance sont les plus élevées au monde pour les années à venir.


Pour apprécier les forces d’une coopération, les théoriciens de l’école de la proximité (voir encadré ci-dessous) postule l’hypothèse selon laquelle pour qu’une coopération se fasse et qu’elle soit le plus efficiente possible, trois dimensions de la proximité doivent être réunies.



Parmi ces trois dimensions, outre la proximité spatiale qui permet de réduire le coût des distances, l’Alliance du Pacifique dispose de la proximité la plus importante : la proximité institutionnelle. Cette proximité fait référence à l’ensemble des valeurs partagées par les pays membres. Cette « culture commune » va alors créer une relation de confiance qui rend la coopération plus efficace et durable. Cette dimension est d’autant plus intéressante que la confiance est un processus cumulatif qui permet de stabiliser la coopération et de réduire les incertitudes. Comme le démontre l’échec de nombreuses constructions régionales latinoaméricaines, l’intérêt à coopérer ne suffit pas. Pour illustrer cela on peut donner l’exemple de la CAN paralysée par les divergences politiques de ces membres. De la même manière, dans le monde entrepreneurial, de nombreux rapprochements d’entreprises échouent en raison de cultures managériales trop différentes. Ainsi, il semblerait que l’une des plus grandes forces de l’Alliance du Pacifique réside dans sa cohérence idéologique. En effet, en dépit des alternances politiques, l’ensemble des pays membres n’ont jamais remis en cause le libéralisme. En ce sens, en plus de disposer de nombreux traités commerciaux, le Mexique, le Pérou, la Colombie et le Chili sont les Etats qui affichent les protections douanières les plus basses d’Amérique Latine. Cette croyance dans les bienfaits du libéralisme favorise l’avènement de réalisations intéressantes et inédites dans le paysage du régionalisme latinoaméricain. Ainsi, l’Alliance du Pacifique, par le biais du MILA, constitue le premier rapprochement boursier d’Amérique Latine qui permet une libre circulation des capitaux afin de favoriser les investissements. De plus, l’ensemble de ces pays sont unis par une langue commune ce qui tend à faciliter la coopération et réduit un certain nombre de couts relatifs à la traduction ou aux potentiels malentendus. A ce titre, l’espagnol doit être envisagé comme « un vecteur d’influence politique et économique ». Enfin, parler des points forts de l’Alliance du Pacifique n’a aucun sens si on n’aborde pas le thème des matières premières. En effet, les membres de l’alliance figurent parmi les premiers producteurs mondiaux de cuivre, de zinc, de plomb et d’argent. Plus généralement, l’ensemble du continent latinoaméricain abrite d’importantes réserves de ressources naturelles stratégiques : fer, zinc, nickel (25% des réserves mondiales), cuivre et argent (50%).


De plus, en plus de détenir d’abondantes ressources naturelles « non renouvelables », ces pays comptent également d’importantes ressources en terres rares, matériaux indispensables pour la transition écologique et numérique de demain. A titre d’exemple, le Chili possède 45% des réserves mondiales de lithium, nouvelle ressource stratégique essentielle à la géopolitique du futur. Au niveau des opportunités, on peut également souligner les effets positifs d’une potentielle hausse des matières premières qui profiteraient aux pays membres.


Toutefois cette spécialisation dans les matières n’est pas sans conséquences négatives et c’est notamment pour cette raison que la troisième dimension de la proximité, la proximité organisationnelle, est loin d’être acquise. En effet, exportant des produits relativement similaires, les membres de l’Alliance du Pacifique ne détiennent pas d’actifs complémentaires capables d’impulser la création de chaînes de valeurs régionales.


Ainsi, la principale faiblesse de l’alliance réside dans son incapacité à susciter du commerce intra bloc. Ainsi, comme on peut le voir sur le tableau 1, les exportations intra blocs ne sont que de l’ordre de 5% tandis que les importations intra blocs atteignent difficilement les 7%. Le pays qui enregistre les plus hauts pourcentages est la Colombie tandis que seulement 2% des exportations mexicaines se dirigent vers l’Alliance du Pacifique.


Ce constat s’explique en partie par le déficit d’infrastructures. En effet, en dépit de leur proximité spatiale et de la suppression des droits de douanes pour plus de 92% des produits, le commerce entre les pays membres de l’alliance connaît des coûts de transport importants en raison du manque de connectivité du continent latinoaméricain. Ainsi, il est plus cher de transporter une marchandise de Lima à Iquitos par voie terrestre que de Lima en Chine par voie maritime.


De plus, la faiblesse du commerce régional révèle un autre point faible de l’Alliance du Pacifique : sa dépendance vis-à-vis des matières premières. A titre d’exemple, plus de 50% des exportations chiliennes se concentrent sur le cuivre et 70% des recettes d’exportation colombiennes proviennent de l’exploitation minière.


A ce sujet, l’une des menaces auquel doit faire face l’Alliance du Pacifique concerne la théorie de la « Malédiction des ressources naturelles ». Cette expression décrit le paradoxe selon lequel les pays dotés d’abondantes ressources extractives affichent de moins bonnes performances que les pays qui en sont dépourvus en termes de croissance économique, de gouvernance et d’indicateurs sociaux. En effet, si jusqu’à la fin des années 80 l’orthodoxie économique considérait l’abondance comme un important vecteur de développement, cette vision est désormais remise en cause. Cela s’explique notamment par le fait, qu’en plus d’une inéluctable dégradation des termes de l’échange, les pays exportateurs se révèlent souvent incapables de maîtriser leurs exportations. Par conséquent, ces pays voient leur monnaie s’apprécier, rendant ainsi les autres secteurs d’activité peu compétitifs. Conséquence de cela, la re-primarisation des économies. Une spécialisation primaire est d’autant plus risquée que les cours des matières premières sont très volatiles et dépendent largement de la croissance des grandes puissances importatrices qui ont aujourd’hui tendance à adopter des postures protectionnistes. Aussi, le réchauffement climatique rend de plus en plus vulnérables les récoltes. Il existe donc une réelle menace d’épuisement de ce modèle économique sur le long terme et ce d’autant plus que les pays de l’Alliance du Pacifique souffrent également d’un réel déficit de capital humain qualifié. Comme nous le verrons prochainement, il semblerait que pour faire face à l’ensemble de ces défis, l’Alliance du Pacifique doive se réinventer. En effet, la faiblesse de sa structure institutionnelle actuelle ne lui permet en aucun cas d’avancer de manière sereine et soutenable sur le chemin de l’intégration.


Fanny Raymond

Etudiante en Master 1 à Sciences Po Toulouse

Stagiaire à la Chambre de Commerce Latinoaméricaine.


LinkedIn : Fanny Raymond

Mail : fanny.raymond@sciencespo-toulouse.net









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